Comment tirer un avantage de la crise géopolitique russo-européenne ? (2/2)
La crise ukrainienne débutée en 2014 à déjà fait couler beaucoup d’encre, certains ont prétendu l’aurore d’une nouvelle Guerre froide, d’autres ont prédit la troisième Guerre mondiale entre la Russie et les États-Unis. Deux années plus tard, le monde semble avoir accepté ce nouveau contexte et le changement de paradigme géopolitique, passant du monde unimultipolaire (1) en place depuis 1991, à un monde multipolaire. Si les tensions russo-européennes ont eu leur lots d’inconvénients, pour l’économie russe par exemple ou pour le règlement du conflit syrien, il est désormais possible d’en dégager certains avantages. Cet article, en deux parties, décryptera les avantages que la Russie et ses alliés ont pu tirer de cette crise, le second étudiera le cas des parties occidentales.
En 1991, au crépuscule de l’URSS, Gueorgui Arbatov, conseiller diplomatique de Gorbatchev allait exprimer une phrase qui restera dans les livres de Relations Internationales. En s’adressant aux États-Unis, à l’Otan et à l’UE, il déclare « Nous allons vous rendre le pire des services, nous allons vous priver d’ennemi ! ». Cette citation deviendra, en partie réalité, quelques mois après avoir été prononcée. Le monde bipolaire s’en est allé avec l’URSS, les États-Unis sont alors devenus la seule super-puissance, l’U.E est la structure politique et économique la plus stable du « Vieux Continent » et l’OTAN, la plus puissante structure militaire de l’espace européen. C’est dans ce contexte que les années 90 et 2000 ont été dominés sur la quasi-totalité des secteurs par les structures occidentales.
Mais durant ces 20 années, il va manquer aux occidentaux cet ennemi, qui après 1945, leur avait permis de se construire pour certains, de se reconstruire pour d’autres. L’Union Européenne qui s’agrandit en intégrant des ex-satellites ou anciennes Républiques soviétiques, va faire face aux premiers mouvements de défiances, qui viendront des référendums français et hollandais en 2005 et le refus du « Traité européen ». Certaines personnalités vont remettre en cause l’existence de l’OTAN, qui avec la chute de la puissance russe ne serait devenu qu’un outil de la domination américaine sur l’Europe. Et pour finir les États-Unis, devenu les « gendarmes du monde » à la fin des années 90, vont voir leur légitimé affaiblit avec les attentats du 11 septembre 2001 et les deux « ratés » militaire, afghan et irakien. La campagne irakienne mettra à mal l’image américaine, cette puissance qui n’intervenait que dans des objectifs de paix et de démocratie, venait de prétexter l’existence d’armes chimiques pour déchoir un régime et se montrera incapable de restaurer la stabilité politique dans le pays. Cet événement va créer chez plusieurs grandes puissances des envies de se détacher de la curatelle américaine.
L’OTAN retrouve son rôle originel
Ainsi le retour de la Russie comme adversaire et danger à défaut d’ennemi commun, ouvre de nouvelles possibilités pour la défense des valeurs et institutions occidentales. Ainsi l’OTAN retrouve sa fonction originale qui était de réunir une organisation militaire capable de se défendre contre l’URSS hier, la Russie aujourd’hui. L’Union Européenne, malgré la crise actuelle, dont le récent Brexit, voit dans ces valeurs un moyen de continuer à exister en contrepoint des idéaux russes. Enfin pour les États-Unis, cette crise permet de rappeler leur rôle d’interlocuteur privilégié pour les Européens et de montrer que la Russie reste bien plus dangereuse qu’eux et ce malgré les révélations d’espionnage de la NSA par Snowden ( notamment pour A.Merkel et N.Sarkozy puis F.Hollande). Ce qui aurait pu, en l’occurence, constituer une véritable crise diplomatique n’a finalement crée aucune réelle brouille, éventuellement de la méfiance du côté de Berlin.
Cette logique renaissante de bloc, n’est pas sans rappeler la Guerre froide, bien qu’il s’agisse au niveau mondial de rapports multipolaires et non bipolaires. La situation actuelle bien qu’imparfaite, permet aux acteurs d’exprimer les intérêts divergents entre les différents pôles et de mettre en avant les intérêts communs à l’intérieur de ces blocs, malgré des divergences existantes. Un contexte géopolitique qui devrait stagner, tant que les Russes et Européens n’auront pas un intérêt accru à la détente, pour le plus grand bonheur des autres puissances.